Une soirée d’été… une soirée qui aurait pu être radieuse à l’image de cette chaude journée… et pourtant l’Homme est sonné, comme un boxeur groggy… d’un pas d’automate il rejoint le parc, sa voiture, vite ! S’éloigner de cette maudite blouse blanche et des ses propos sinistres.
Elle est là, fidèle qui l’attend, sobre et si sage d’apparence, pourquoi l’a-t-il prise ce soir plutôt que sa banale monture de tous les jours ? Savait-il qu’il allait lui demander beaucoup ce soir ? Quel contraste entre sa livrée noire et le monde de clarté qu’il vient de quitter, elle est forte, sincère, il sait qu’il peut compter sur elle. Vingt cinq années qu’ils se sont rencontrés et jamais leur amour n’a déchu… des écarts oui, mais tel un port d’attache, ils se sont retrouvés…
Le bruit rageur le tire de sa torpeur, mais c’est à vitesse réduite qu’il quitte la grande ville, la Gti se fait rassurante, maternelle presque. Elle semble ressentir ses états d’âme, elle est le prolongement de son esprit, de son corps, elle est dévouée à l’Homme qui la pilote, il est son maître, elle se soumet lorsqu’il la sollicite sur cette autoroute qui part vers le nord… Roule, roule, roule, petite Golf, l’Homme est ailleurs, elle le comprend bien et se fait discrète, elle attend qu’il lui parle, qu’il lui fasse passer un message, le message…
Les rapports tombent un à un, la vallée industrielle est avalée, le col s’annonce, sinueux, ce n’est qu’une formalité pour la Gti et l’Homme lui demande beaucoup. Elle le sait. Tel le jugement de Dieu, les épingles sont un défi à la vie, aux lois élémentaires de physique mais elle tient bon, elle est en communion avec l’Homme, plus qu’un acte d’amour, c’est une bagarre où elle est son appui, sa petite sœur de tôle et d’acier…
Une voiture est dépassée dans le hurlement du 1600, aussitôt des éclairs bleus déchirent la nuit, l’Homme est la machine n’en ont cure ! Une enfilade d’enfer, une ou deux courbes et déjà les reflets bleus du gyrophare ne sont plus qu’un souvenir…
Le sommet, les chaumes, elle respire, de grosses gouttes d’orage s’écrasent sur son capot bouillant, il fait bon, et tout au loin, là en bas… des lumières, la civilisation qu’ils dominent, tels deux amants infernaux… Et soudain elle se fait douce, convaincante, telle un lionne qui s’étire, il la caresserait s’il n’avait peur du ridicule, mais il sait au fond de lui qu’elle a une âme, ils sont deux, il ne font qu’un…
Roule, roule, roule, petite Golf, l’Homme revient à la vie, il sort de son rêve, une fois encore tu lui as redonné le goût de la bagarre, l’amour de la vie, il te doit beaucoup, il le sait, plus qu’une maîtresse, tu es sienne, tu fais partie de lui…